Il y a à peine cinquante ans, une partie des habitants de l’île de El Hierro émigraient encore de façon clandestine (sous Franco) au Vénézuela… Cet îlot volcanique, escarpé et désertique, d’à peine 278 km2, n’avait pas grand-chose à offrir à une population de quelque 10 000 habitants, travaillant essentiellement dans le secteur primaire. 

L’absence d’industries et l’insularité a longtemps rendu El Hierro dépendante de coûteuses importations, notamment de diésel servant à alimenter la centrale thermique de Llanos Blancos (qui fournit à ce jour l’essentiel de l’électricité sur l’île). En revanche, El Hierro a toujours bénéficié d’une source inépuisable d’énergie, le vent, avec des alizés qui soufflent particulièrement fort en été. En 1997, le Cabildo (gouvernement local) signe son fameux Plan de Développement Durable dont le but est de faire de l’île un territoire indépendant énergétiquement et un modèle de gestion durable et écologique des ressources naturelles (El Hierro a été déclarée Réserve de la Biosphère en 2000). C’est dans ce contexte que naît Gorona del Viento, un modèle de centrale hydro-éolienne unique en Espagne dont l’investissement initial, fixé à 64,7 millions d’euros, a été réparti entre le gouvernement local (60%), Endesa (30 %) et l’Institut Technologique des Canaries (10 %).

 

 

Approvisionnement continu
Cette prouesse d’ingénierie couple un parc éolien d’une puissance de 11.5 MW avec une centrale hydro-électrique auxiliaire de 6 MW, permettant de compenser le caractère variable du vent et garantir ainsi une continuité de l’approvisionnement. L’excédent d’énergie éolienne sert à accumuler de l’énergie potentielle dans le lac de retenue supérieur (d’une capacité de 380 000 m3). « Il n’y a que quand le vent fait défaut et qu’il n’y a pas d’eau accumulée dans les lacs de retenue que la centrale diésel prendra le relais. Mais Gorona del Viento a été conçue pour fournir la totalité de l’île avec de l’énergie à 100 % renouvelable », précise Juan Manuel Quintero, le PDG de la centrale. D’après une étude préliminaire menée par la Commission Nationale de l’Énergie espagnole, Gorona del Viento permettrait à El Hierro d’économiser 80 millions d’euros d’importation de diésel sur les 20 prochaines années.

 

Délits écologiques
Mais pour les écologistes locaux de l’association Ossinissa, la centrale est loin d’être la panacée… «En quoi est-ce durable d’investir 100 millions d’euros [d’après le PDG de Gorona del Viento, le budget final est de 74,5 millions d’euros, NDLR] pour fournir de l’électricité à 6700 abonnés seulement ? », s’insurge Samuel Acosta, porte-parole de l’association écologiste. Depuis près de 10 ans, Ossinissa accumule les plaintes contre le gouvernement local. « Nous n’avons pas de réseau d’égouts et nous perdons près de 40% de l’eau potable dans un réseau qui nous coûte un million d’euros par an. Nous ne dépurons pas  nous ne recyclons pas et nous ne récupérons même pas l’eau de pluie ».

Suite aux plaintes d’Ossinissa, le ministère public des Canaries a ouvert plusieurs procédures disciplinaires pour des délits contre l’environnement (infractions dans des zones protégées, décharges sauvages…), le patrimoine historique (infractions dans des zones archéologiques) et le droit à accéder à certaines informations (violation des principes de la Convention d’Aarhus), dont certains sont liés à la construction de Gorona del Viento.  « Une véritable démarche durable consisterait à soutenir des PME locales pour installer des fermes solaires, des maisons bioclimatiques ou des parcs éoliens. Cela donnerait de l’emploi aux habitants et on en finirait avec le monopole électrique actuel », renchérit Ossinissa.

Lire la fin de l'article de Nathalie Pedestarres sur Novethic.

Valéry

-