L'alimentation des Européens est très consommatrice d'eau, en Europe mais aussi dans le reste du monde. Avec le changement climatique, la compétition accrue entre usages, ce régime ne pourra pas perdurer, estime une étude.

 

Avec la croissance de la démographie mondiale et la diffusion progressive du régime alimentaire occidental, plus riche et plus carné, les pressions sur l'environnement liées à l'alimentation augmentent. Hausse de la compétition dans les usages des terres et de l'eau, pollutions mais aussi sécurité alimentaire mondiale sont en jeu. De nombreuses études insistent sur la nécessité de changer de modèle alimentaire.

Un article scientifique, publié dans la revue Ecological indicators, vient à nouveau alerter sur cette question. Il compare l'empreinte eau de quatre régimes alimentaires : le régime européen moyen (UE27 et Croatie sur la période 1996-2005), appelé régime de référence ; un régime sain (DGE), recommandé par German nutrition society, un régime végétarien (VEG, sans viande ni poisson mais avec des produits laitiers) et un régime alimentaire intermédiaire à ces deux derniers régimes (COM).

Résultat : le régime actuel est le plus consommateur d'eau. Réduire les consommations de viande, d'huiles végétales, de graisses animales et de sucre, en les remplaçant par des légumes et des fruits, permettrait de baisser de 23 à 38% l'empreinte eau des produits agricoles.

 

84 % de la consommation européenne d'eau

La production agricole de l'UE28 consomme chaque année 552 kilomètres cube d'eau ("empreinte eau production"). Pour sa consommation de produits agricoles ("empreinte eau consommation"), l'Europe consomme 760 km3, une différence liée à l'importation de produits. Les produits alimentaires constituent ainsi la majeure partie de l'empreinte eau européenne (84% pour la consommation), loin devant l'industrie (respectivement 37 et 78 km3/an) et les usages domestiques (20 km3/an).

Une large part de l'empreinte consommation est liée aux produits d'origine animale (397 km3/an). Les produits végétaux représentent 320 km3/an, "alors qu'ils fournissent plus de calories que les produits d'origine animale", soulignent les auteurs. Le cacao, le café et le blé sont également grands consommateurs d'eau.

Or, passer à un régime alimentaire alternatif permettrait de substantielles économies d'eau : -23 % pour le régime sain, -30 % pour l'intermédiaire et -38 % pour le végétarien.

D'autant que le régime actuel présente un apport énergétique trop élevé. Si la consommation actuelle moyenne de plusieurs groupes d'aliments est proche des quantités recommandées (céréales, riz, pommes de terre, lait et produits laitiers, œufs), la consommation de certains groupes de produits devrait être réduite (sucre, huiles végétales, viande, graisses animales) et celle d'autres groupes de produits augmentée (légumes et fruits), notent les auteurs.

Pour les régimes végétariens et intermédiaires, la moitié de la consommation de viande est substituée par des légumineuses et des oléagineux (hors noix), ce qui permet de conserver des apports énergétiques et protéiniques équivalents.

 

L'Europe peut-elle être autosuffisante ?

"Avec la concurrence croissante sur les ressources mondiales en eau douce, il est peu probable que l'UE28 puisse continuer à compter sur les ressources en eau extérieures dans la même mesure qu'actuellement", souligne l'étude. Pour les régimes de référence et le régime sain, l'empreinte consommation est plus importante que l'empreinte production. En revanche, pour les régimes végétariens et intermédiaires, l'empreinte production est plus importante que l'empreinte consommation.

Outre la réduction de sa consommation externe d'eau, l'Europe devra donc optimiser l'utilisation de ses propres ressources en eau pour la production locale. L'intensification durable de l'agriculture, inspirée de l'expérience de l'agriculture biologique, est préconisée par les auteurs, de même qu'une analyse des gains potentiels de productivité de l'eau au niveau des exploitations agricoles (augmentation des rendements, irrigation précise, cultures moins gourmandes en eau…).

Avec le changement climatique, l'Europe du Sud, exportatrice nette de fruits et légumes, devrait voir ses rendements agricoles diminuer et ses besoins en irrigation augmenter, tandis que l'Europe du Nord, exportatrice nette de céréales, de viande et de lait mais importatrice nette de légumes et de fruits, devrait voir ses rendements augmenter, tout comme ses besoins en irrigation d'appoint l'été.

Une des questions clés est de savoir dans quelle mesure l'UE28 peut devenir autosuffisante (en dehors de certains produits qui ne peuvent être cultivés localement, comme le café ou le cacao), interrogent les auteurs, qui préconisent d'ailleurs une analyse par bassin versant de l'empreinte eau "maximale durable" pour la production.

Sophie Fabrégat pour Actu-environnement.