Le rapport de la mission d'étude sur les énergies marines renouvelables, publié lundi 6 mai, pointe les différentes conditions au développement des EMR.

L'une des conditions pour le développement des énergies marines renouvelables (EMR), selon un rapport du gouvernement ? Le déploiement de fermes pilotes qui donneront de la visibilité et un retour d'expérience avant un engagement à plus grande échelle. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) ont publié vendredi 3 mai le rapport de la mission d'étude sur les énergies marines renouvelables attendu depuis plusieurs semaines.

Si la France dispose de nombreux atouts pour l'émergence de ces filières, les différents acteurs doivent toutefois mieux organiser leur coopération.

Dans ce document, les auteurs dressent un panel des décisions à prendre et des obstacles à contourner. Ainsi pour réduire les coûts, ils préconisent de mutualiser les frais fixes, communs aux industriels, de raccordement électrique, d'études préalables et d'impact. Pour cela, ils conseillent d'initier - dès que possible - les appels à manifestation d'intérêt (AMI) de l'Ademe sur les fermes-pilotes. Selon eux, ces AMI devront successivement être dédiés à l'hydrolien (posé et flottant) en 2013, en 2014-2015 à l'éolien flottant et en 2015-2016 à l'houlomoteur.

Technologie la plus mature, l'hydrolien nécessite en effet désormais qu'une visibilité soit apportée aux acteurs par des fermes - pilotes et un calendrier de déploiement.

"En ce qui concerne l'évacuation de l'énergie du Nord-Cotentin et de la Bretagne, (Raz Blanchard et Raz Barfleur et passage du Fromveur), il apparaît essentiel d'anticiper les délais, en lançant dès que possible, avec RTE, les études et la concertation nécessaires", détaille le rapport. Moins avancé, l'éolien flottant ouvre toutefois un potentiel considérable notamment à l'export. Les zones d'intérêts pour l'houlomoteur recoupant ceux de l'éoliens flottant " il faudra donc réserver des zones à cette technologie, et disposer de sites d'essais pour les systèmes houlomoteurs onshore et nearshore ", note le rapport.

Le document, pour donner une visibilité à moyen terme, préconise que les modèles techniques utilisés dans les fermes-pilotes soient proches de ceux qui seront utilisés dans les fermes commerciales et situées au cœur de ces dernières. "Il faut impérativement éviter le "mitage" par un zonage approprié", prévient le rapport.
 

Quel tarif d'achat instaurer ?

Le soutien public semble indispensable pour accompagner les premiers pas de ces technologies. La difficulté reste la mise en place d'un tarif d'achat adapté aux EMR.

AMI de l'Ademe avec tarif d'achat, appel d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), appel d'offres unique sous la forme d'un accord-cadre avec les fermes pilotes en tranche ferme, et les fermes commerciales en tranches conditionnelles : différentes pistes ont été envisagées dans le rapport.

"Au stade actuel de la réflexion sur les choix possibles du soutien financier à la filière des énergies marines renouvelables, un panachage des différents instruments précités apparaît comme une des voies préférées pour favoriser l'essor de ces technologies émergentes, avance la mission. Selon elle, cette aide devra s'ajuster au coût global des projets même si dépasser 50% du financement semble difficile.

Comme les technologies des EMR se situent à des stades de développement précoces et inégaux, l'estimation de leurs coûts repose pour une grande part sur des évaluations théoriques.

Les industriels, interrogés lors de la réalisation du rapport, ont indiqué se servir aujourd'hui pour le calcul de ces dernières de la valeur du soutien apporté par les pouvoirs publics au Royaume-Uni en faveur des fermes- pilotes, soit un achat à environ 320 €/MWh de l'électricité produite par ces fermes, jusqu'en 2017 inclus.

"Suite aux déboires du photovoltaïque pour lequel un soutien public a contribué fortement au déficit de la balance commerciale, on n'envisage plus maintenant de soutien à une filière sans avoir examiné le retour industriel en termes d'emplois sur le territoire national", pointe le rapport.
 

Création d'un comité national d'orientation des énergies marines

Autre étape clef pour le développement des EMR : la création d'un comité national d'orientation des énergies marines. Cette instance de concertation et d'orientation comprendrait les acteurs de la filière, l'État, l'Ademe, le Commissaire général à l'investissement (CGI), le Réseau de transport d'électricité (RTE), le Syndicat des énergies renouvelables (SER), les grands acteurs industriels français. Elle permettrait d'assurer la cohérence et la pérennité de la stratégie nationale et du calendrier en matière de déploiement des EMR. Le Secrétariat général de la Mer, en lien avec la Conférence nationale de l'Industrie, pourrait être l'animateur de cette instance de coordination.

Le rapport préconise également la mise en place d'un guichet unique pour accueillir et suivre les porteurs de projets. Il permettrait la réduction des délais des procédures et demandes d'autorisations (simplification des procédures, etc.).

La mission considère également comme indispensable la mutualisation des ressources scientifiques et techniques ainsi que la mobilisation des organismes scientifiques sur la ressource et les impacts des parcs.

Sur cette question, France nature environnement appelle à la vigilance dans un communiqué : "Si le développement des EMR est souhaitable, il ne doit pas se faire au détriment de la protection des écosystèmes et de la biodiversité. Les choix d'implantation doivent préserver au mieux les habitats et les espèces. Les études d'impact doivent être réalisées de manière sérieuse et transparente, et des mesures compensatoires doivent être mises en œuvre là où les impacts sont négatifs". Enfin, la mission pointe la nécessaire concertation entre les ports français, et leur besoin de visibilité du développement des énergies marines en France, pour programmer leur adaptation, et éviter une trop forte concurrence et des aménagements inutiles.

Dorothée Laperche pour Actu-environnement