La ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a signé le 28 février deux nouveaux permis exclusifs de recherche de géothermie haute température, affichant la volonté du Gouvernement de soutenir la filière.

Deux jours plus tôt, la commission du développement durable du Sénat réunissait une table ronde sur l'avenir de la production d'électricité par géothermie. L'occasion d'identifier les freins qui subsistent au développement de cette filière pleine d'avenir.

Dix-huit demandes en cours d'instruction

"La géothermie permet de produire de l'énergie à partir de ressources renouvelables et sans aucune émission. C'est une filière qui doit être encouragée et soutenue", estime Delphine Batho en annonçant la signature de deux nouveaux permis de recherche. Le premier, accordé à la société Electerre de France, est situé dans les départements du Cantal et de la Lozère. Le deuxième, délivré à la société Fonroche Géothermie, dans les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées.

Dix-huit demandes sont par ailleurs en cours d'instruction, indique le ministère de l'Ecologie, et des projets de démonstrateurs ont été déposés dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) "Géothermie" du Programme des investissements d'avenir. Signe, selon le ministère, d'une relance de cette filière énergétique, même si la production électrique d'origine géothermique ne représentait que 0,1% de la production d'électricité d'origine renouvelable en France en 2008.

La France ne compte aujourd'hui que deux sites de production de géothermie haute température, celui de Bouillante en Guadeloupe et celui de Soultz-sous-Forêts en Alsace.

Des taux de disponibilité qui peuvent être supérieurs à 90%

La production d'électricité par géothermie présente de nombreux avantages, vante Eric Lasne, directeur général délégué de CFG Service : un moyen de production électrique de base avec des taux de disponibilité qui peuvent être supérieurs à 90%, une production locale indépendante des importations de combustibles, un prix à la production moins chère que les énergies conventionnelles (le tarif de rachat est fixé à 130 €/MWh), la possibilité d'utiliser tout ou partie de la ressource géothermique en cascade (basse énergie, chaleur ou froid) lorsque la température n'est pas suffisamment élevée pour produire de l'électricité.

"Les capacités géothermiques existantes sur les technologies haute température volcaniques seraient de l'ordre de 11 GW au plan mondial, soit une douzaine de tranches de centrales nucléaires", indique Romain Vernier, responsable de la division géothermie du BRGM, en s'appuyant sur des chiffres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Un relais de croissance repose sur la géothermie profonde de nouvelle génération, qui pourrait peser 50% des capacités de production de géothermie en 2050, ajoute le spécialiste, ce qui nécessite de développer un certain nombre de démonstrateurs pour arriver à maturité technologique et déployer pleinement la filière.

"L'expérience de Soultz-sous-Forêts montre qu'il est possible de produire dans un contexte non volcanique et d'améliorer les débits par stimulation", précise Romain Vernier. Et les risques sismiques ? "Il n'y a pas de sismicité associée à l'acte de « foration »", indique Albert Genter du GEIE Exploitation minière de la chaleur, qui ajoute toutefois de manière ambiguë : "on observe des séismes quand on fait des expériences de stimulation".

Quoi qu'il en soit, les avancées technologiques récentes (Organic Rankine Cycle) permettent de produire de l'électricité avec des températures plus basses, ce qui ouvre de nouvelles perspectives avec des forages un peu moins profonds. Pour François Demarcq, directeur général déléguée du BRGM, il y aura du coup une limite économique à trouver en fonction de la valorisation de la chaleur. "La nouvelle génération de géothermie sera la génération de la cogénération permettant de valoriser un peu d'électricité mais beaucoup de chaleur", analyse-t-il.

 

"Surabondance de la législation"

Toutefois, plusieurs freins au développement de la géothermie à haute température restent à lever selon les professionnels. "Les questions technologiques ne constituent plus un frein sauf les cas particuliers de forages très profonds ou avec des saumures", évacue Jean-Claude Andréini.

En revanche, le président de la commission géothermie du Syndicat des énergies renouvelables (SER) pointe des difficultés de différents ordres. D'abord, la surabondance de la législation et la lenteur des administrations : le régime d'autorisation pour les explorations plutôt que celui de la déclaration implique des délais de deux ans en France contre six mois en Allemagne, déplore-t-il. Ensuite, l'absence de solution d'assurance pour la géothermie électrique freine les projets alors que ce problème est réglé pour la production de chaleur.

Sans oublier les freins "culturels". Jean-Caude Andréini évoque une certaine "irrationalité", voire même un "obscurantisme", dès que l'on parle du sous-sol. "Notre crainte, c'est qu'on assimile la géothermie à la fracturation hydraulique traditionnelle polluante alors que l'on est un métier extrêmement noble", se défend-il.

Parmi les autres attentes des professionnels, Eric Lasne évoque la nécessité de continuer à développer les connaissances sur les ressources géothermales, ce qui passe par la R&D, le développement de démonstrateurs via l'AMI de l'Ademe et des instituts d'excellence. Mais les demandes portent aussi, plus prosaïquement, sur une réévaluation du tarif d'achat à 170 ou 200 €/MWh, et par l'instauration d'une redevance communale pour intéresser les collectivités accueillant les installations. Sans oublier une réglementation adaptée aux territoires insulaires en terme d'importation d'électricité.

Mais au final, "il faut une volonté politique", insiste Jean-Claude Andréini. Cela tombe bien, c'est cette volonté que Delphine Batho semble avoir voulu afficher en délivrant ces nouveaux permis d'exploration.

Laurent Radisson pour Actu-Environnement