Les cours d'eau français sont presque tous contaminés par les pesticides, révèle un rapport récent. Les nappes phréatiques n'échappent pas au phénomène. Les villes peuvent-elles réagir ? Exemple dans la Vienne.

 

« La contamination des cours d’eau en pesticides est quasi généralisée en France. Seuls 7% des points en sont exempts. » L’étude, rendue publique par le Commissariat général au développement durable (CGDD) ce mercredi 24 juillet, pose également la question de la qualité des eaux souterraines. Certes moins affectées, leur contamination est toutefois très sérieuse puisque ces eaux sont destinées à la consommation.

Chauvigny, petite commune de la Vienne, a dû faire face à une contamination aux pesticides de l’eau des forages destinée à la consommation en mai dernier. Des mesures ont été prises en urgence, dès l’évaluation des dégâts. « L’eau est probablement l’élément faisant l’objet de normes les plus strictes, les contrôles sont donc très fréquents », souligne Carole Lacave, chargée de communication pour la délégation Veolia environnement dans le sud-ouest.
 

 

De l’anti-limaces dans l’eau

Et en effet : la qualité de l’eau est encadrée par la Directive européenne sur les eaux de boisson de 1998. Les contrôles reviennent aux services de l’Etat, l’Agence régionale de santé (ARS), et la surveillance à l’exploitant, bien souvent Veolia.

Dans le cas de Chauvigny, les deux forages de la commune font chacun l’objet d’analyse annuelle, « très complètes avec environ 130 paramètres pris en compte tels que les métaux lourds, les pesticides et les bactéries », explique Jean-Claude Parnaudeau, ingénieur d’études sanitaires à l’ARS. Ensuite, la station de traitement est inspectée une fois par an selon 23 critères et deux fois par an pour les pesticides, toujours selon l’ingénieur de l’ARS. De son côté, « Veolia contrôle en continu avec un logiciel disposant d’un dispositif d’alerte automatique », ajoute Carole Lacave. Mais c’est l’ARS qui, en octobre dernier, avait déjà constaté la présence de pesticides. Même chose plus récemment : les prélèvements de l’ARS ont permis la découverte de pesticides dans l’eau. Ainsi, le 27 mai, un contrôle sur les deux forages permettant l’approvisionnement de la commune en eau potable révèle un taux de pesticides dépassant les normes autorisées : « 2,3 microgrammes par litre de métolachlore et 0,14 microgramme par litre de métaldéhyde : des herbicides et des anti-limaces », explique Jean-Claude Parnaudeau. « En sachant que la norme qualité est respectivement de 0,1 et 0,5 microgramme par litre, l’eau était, selon nos critères, impropre à la consommation », ajoute-t-il. « Déjà en 2009 et 2011, des traces de pesticides avaient été détectées sur l’un des deux forages mais jamais sur l’autre. Avoir deux sources d’approvisionnement contaminées, c’est rare, heureusement. »

 

Comment traiter rapidement le problème ?

Dans ces cas-là, que faire ? Couper l’eau ? Avant d’en arriver à ce type de mesure radicale, les communes ont la possibilité de déployer d’autres stratagèmes. Chez la voisine de Poitiers, les experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ont décrété qu’un dépassement du taux réglementaire sur une faible durée était admis, tout en respectant le principe de précaution : les femmes enceintes et les enfants doivent boire à la bouteille.

Une fois la population informée, la mairie et Veolia eau ont décidé d’installer une unité de traitement des pesticides, temporaire. Chose faite, le 8 juillet : « Le dispositif était avant cela sur une autre commune », selon l’adjoint au maire chargé de l’environnement.

Coût : 50 000 euros pour un an. Pierre Claval, directeur du centre régional de Veolia, explique : « On installe le module dans l’usine de traitement, avant le réseau de distribution. Après avoir détecté les pesticides et leur quantité, on choisit le charbon le plus efficace pour l’absorption des pesticides. » A Chauvigny, du charbon actif en grains. « Effet immédiat », conclut-il.

Et en effet, le 19 juillet dernier, de nouvelles analyses ont montré que le problème était résorbé. Même si « on attend d’avoir un vrai recul sur la situation », indique Carole Lacave, de Veolia.

Comment envisager des solutions durables ?

Voilà pour les contaminations temporaires. « Si le problème de contamination de l’eau perdure, il est possible d’envisager des solutions pérennes », précise Pierre Claval. Sauf qu’un dispositif permanent de traitement des pesticides coûte 200 000 euros. Dans la région, 12 stations – dont Poitiers – en sont équipées. La commune de Chauvigny est en train d’étudier la solution.

« La mairie devrait présenter à l’automne un dossier au Conseil départemental de l’environnement des risques sanitaires (Coderst) », précise Jean-Claude Parnaudeau. C’est donc le conseil qui décidera au final de la meilleure solution à envisager : dispositif de traitement permanent ou raccordement à une autre commune.

Mais au fait, pourquoi y a-t-il des pesticides dans les eaux souterraines ?

Tous les interlocuteurs cités plus haut s’accordent sur ce point : les fortes pluies du printemps sont responsables de la pollution. Pour Jean-Claude Parnaudeau, « elles poussent à un usage conséquent des herbicides et anti-limaces par les agriculteurs. De plus, la pluie lessive les produits qui s’infiltrent ensuite dans les sous-sols, d’autant que dans la région il s’agit de calcaire fissuré qui absorbe plus que d’autres roches. » Tout de même, il a remarqué « ces trois dernières années, une apparition fréquente dans les analyses de ces deux pesticides ici incriminés ».

Des pollutions dites diffuses, car on ne peut identifier avec précision leur émetteur. Mais dans cette région où les cultures de maïs et tournesol sont dominantes, on se doute que les herbicides ne sont pas arrivés là par hasard. Un audit a été déposé à la Chambre de l’agriculture. Résultats attendus à l’automne.
 

L’état des nappes en 2011 en France, selon le CGDD :

« Dans 29% des nappes françaises, les concentrations totales en pesticides atteignent ou dépassent 0,1 µg/l (microgramme/litre). 38% montrent une contamination faible, avec des concentrations inférieures à 0,1 µg/l, et 22% des nappes sont sans pesticide détecté. Mais 12% des nappes n’ont pas fait l’objet de mesure en 2011. »

A suivre donc...

Paru initialement sur Terra Eco.